Le jardin sec : esthétique et économie d’eau

L’été dernier, en me promenant dans le quartier de Montbenon à Lausanne, j’ai observé quelque chose de frappant : certains jardins étaient verdoyants malgré l’interdiction d’arrosage, tandis que d’autres affichaient une pelouse jaunie et des massifs flétris. La différence ?

Les premiers avaient adopté une approche radicalement différente de l’aménagement paysager. Ils avaient compris qu’en Suisse romande, le modèle du gazon anglais parfaitement tondu et des massifs assoiffés touche à sa fin.

Avec les restrictions d’eau qui se multiplient chaque été à Genève, Sion ou Vevey, et les températures qui grimpent année après année, repenser notre rapport au jardin n’est plus une option. C’est une nécessité. Le jardin sec, ou xéropaysagisme, offre une réponse concrète à ces défis. Loin d’être un désert minéral sans âme, il peut devenir un espace vibrant, coloré et parfaitement adapté à notre climat qui change.

Qu'est-ce que le xéropaysagisme ?

Le terme peut sembler technique, mais le concept est finalement assez simple. Le xéropaysagisme, contraction de « xéros » (sec en grec) et « paysagisme », désigne l’art de créer des jardins qui nécessitent peu ou pas d’arrosage une fois établis. Cette approche nous vient principalement des États-Unis, où elle s’est développée dans les années 1980 face aux sécheresses récurrentes au Colorado et en Californie.

Aujourd’hui, elle trouve un écho particulier en Suisse romande. Nos étés se transforment. À Sion, les précipitations estivales ont diminué de manière notable ces dernières décennies. Le Valais central affiche régulièrement des records de sécheresse. Même les régions lémanique habituellement plus humides, comme Montreux ou Nyon, connaissent des périodes de stress hydrique prolongées. Les communes multiplient les arrêtés limitant l’arrosage des jardins, parfois dès le mois de juin.

Dans ce contexte, le xéropaysagisme n’est pas qu’une mode venue d’ailleurs. C’est une adaptation intelligente à notre nouvelle réalité climatique. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, cela ne signifie pas renoncer à la beauté. J’ai vu des jardins secs à Martigny qui rivalisent en élégance avec n’importe quel jardin traditionnel, tout en consommant dix fois moins d’eau.

Le principe repose sur plusieurs piliers : choisir des plantes naturellement résistantes à la sécheresse, améliorer la capacité du sol à retenir l’eau, limiter les surfaces d’évaporation, et concevoir des aménagements qui travaillent avec le climat plutôt que contre lui. C’est du bon sens appliqué au jardin.

Les meilleures plantes sans arrosage

Parlons maintenant de ce qui fait vraiment la différence : le choix des végétaux. En quinze ans de métier, j’ai testé des centaines d’espèces dans différentes villes romandes. Certaines promesses marketing ne résistent pas à un été valaisien. D’autres, moins médiatisées, se révèlent de véritables championnes.

La lavande arrive en tête de liste pour une bonne raison. Elle prospère naturellement dans nos sols calcaires, particulièrement abondants autour de Genève et dans le Valais. Une fois installée, elle supporte sans broncher des semaines sans eau. À Lausanne, j’ai des clients dont les massifs de lavande n’ont pas été arrosés depuis cinq ans, et ils explosent de fleurs chaque juillet. Le bonus ? Son parfum inimitable et sa capacité à attirer les pollinisateurs.

Le romarin suit de près. Cette plante méditerranéenne s’est parfaitement acclimatée à notre région. À Sion, où les hivers peuvent être rudes, privilégiez les variétés rustiques comme le romarin officinal. Son feuillage persistant structure le jardin toute l’année, et ses fleurs bleues égayent le printemps. En cuisine, vous aurez toujours de quoi parfumer vos grillades.

Les sauges offrent une palette infinie. La sauge de Jérusalem, avec ses fleurs jaunes éclatantes, illumine les coins les plus secs. La sauge russe déploie ses épis bleu-lavande pendant des mois. À Fribourg, où le sol peut être plus lourd, elles s’adaptent remarquablement bien. Leur seule exigence ? Un bon drainage.

Pour les couvre-sols, impossible de passer à côté des sedums. Ces plantes succulentes forment des tapis denses qui étouffent les mauvaises herbes. Le sedum spurium ‘Fuldaglut’ offre un feuillage pourpre spectaculaire. Le sedum spectabile attire les papillons à l’automne avec ses ombelles roses. Je les utilise systématiquement dans mes projets à Montreux, même sur les pentes difficiles où rien d’autre ne pousse.

L’agave et les euphorbes apportent une touche plus graphique. L’agave ‘Weberi’ résiste parfaitement à nos hivers jusqu’à -15°C. Les euphorbes characias, avec leur structure architecturale et leurs bractées vert-jaune, créent des points focaux puissants. À Vevey, j’ai aménagé un jardin contemporain entièrement basé sur ces formes sculpturales, et le résultat bluffait les visiteurs.

N’oublions pas les graminées méditerranéennes. La fétuque bleue forme des coussins compacts d’un bleu-argent sublime. Le stipa tenuifolia ondule au moindre souffle de vent, créant du mouvement dans les massifs. Le pennisetum oriental explose en épis plumeux à la fin de l’été. Ces graminées fonctionnent particulièrement bien à Nyon, où elles structurent l’espace sans demander le moindre entretien.

Pourquoi ces plantes réussissent-elles si bien chez nous ? Parce qu’elles viennent de milieux similaires : sols pauvres, drainage rapide, étés chauds et secs. Elles ont développé des stratégies pour survivre : feuillage duveteux ou cireux qui limite l’évaporation, racines profondes qui explorent le sol en profondeur, capacité à entrer en dormance lors des périodes les plus chaudes. En les plantant ici, on ne les force pas à s’adapter. On leur offre simplement un environnement proche de leur habitat naturel.

Préparer son sol pour la sécheresse

Même les plantes les plus résistantes ont besoin d’un bon départ. La préparation du sol fait toute la différence entre un jardin sec qui végète et un jardin sec qui s’épanouit. C’est là que mon expérience terrain prend tout son sens.

Le drainage

Le drainage constitue la base absolue. Un sol gorgé d’eau en hiver tue plus de plantes méditerranéennes que la sécheresse estivale. À Genève, où les sols lourds dominent dans certains quartiers, j’incorpore systématiquement du gravier ou de la pouzzolane lors de la plantation. Sur une profondeur de 30 à 40 centimètres, je mélange environ 30% de matériau drainant au sol existant. Cela crée un milieu aéré où les racines se développent sans risque de pourriture.

Dans les secteurs vraiment difficiles, comme certains jardins de Fribourg avec leur terre argileuse, je vais plus loin. Je crée des buttes surélevées de 20 à 30 centimètres, remplies d’un mélange pauvre mais drainant. Les plantes se trouvent ainsi en position surélevée, à l’abri de l’humidité stagnante hivernale. Cette technique, empruntée aux jardins alpins, fonctionne remarquablement bien.

Le paillage minéral

Le paillage minéral représente la deuxième étape cruciale. Contrairement au paillage organique qui retient l’humidité et se décompose, le paillage minéral limite l’évaporation sans créer de rétention d’eau excessive. À Sion et Martigny, où le soleil tape fort, une couche de 5 à 8 centimètres de gravier fait chuter la consommation d’eau de moitié.

J’utilise différents types de graviers décoratifs selon l’ambiance recherchée. Le gravier roulé beige donne un aspect doux, méditerranéen. Le gravier concassé gris anthracite crée une atmosphère contemporaine. Les galets de rivière apportent une touche zen. À Lausanne, j’ai même réalisé des jardins avec des mélanges de graviers de différentes teintes, créant des motifs subtils qui évoluent selon la lumière.

L’avantage du minéral ? Il est permanent. Pas besoin de renouveler la couche chaque année comme avec les copeaux de bois. Il ne se tasse pas. Les herbes indésirables peinent à traverser une bonne épaisseur de gravier. Et esthétiquement, il met en valeur les formes et les textures des plantes, créant des contrastes saisissants entre le vivant et le minéral.

La suppression du gazon traditionnel

La suppression du gazon traditionnel reste souvent le point le plus délicat psychologiquement pour mes clients. On nous a tellement vendu l’image du gazon parfait que renoncer à cette étendue verte semble un sacrifice. Pourtant, en Suisse romande, maintenir une pelouse verte tout l’été demande un arrosage quasi quotidien. C’est non seulement chronophage et coûteux, mais aussi de moins en moins acceptable écologiquement.

Les alternatives existent. Pour garder une surface praticable où les enfants peuvent jouer, je propose souvent un mélange de graminées résistantes complété de trèfle nain. Ce dernier reste vert en été sans arrosage et enrichit naturellement le sol en azote. À Vevey, plusieurs familles ont adopté cette solution et ne reviendraient en arrière pour rien au monde. Le « gazon » demande deux fois moins de tontes et zéro arrosage.

Une astuce pratique

Une astuce pratique que j’applique systématiquement : je garde l’eau de pluie des premiers mois après la plantation pour aider à l’enracinement. Une simple cuve de récupération permet d’arroser intelligemment pendant la phase critique, généralement la première année. Ensuite, les plantes bien enracinées se débrouillent seules. À Nyon, où l’eau de ville coûte cher, cette approche permet d’économiser des centaines de francs annuels.

Pourquoi confier votre projet à Eggel Création & Design SA ?

Aménager un jardin en altitude est un investissement sur le long terme. Une erreur de conception peut coûter cher en réparations. Faire appel à un professionnel local garantit :

  1. Une connaissance du micro-climat : Nous savons ce qui pousse à Sion, Verbier ou Zermatt.

  2. Une maîtrise technique : Du terrassement de précision à la maçonnerie complexe.

  3. Une vision esthétique : Créer un lien harmonieux entre votre habitation et la majesté des sommets environnants.

Conclusion : L’avenir face à la sécheresse

Le jardin sec n’est pas un renoncement. C’est une vision différente, plus en phase avec notre époque et notre climat. Depuis mes premières réalisations il y a dix ans, j’ai vu l’acceptation évoluer. Ce qui semblait exotique, voire austère, devient désormais synonyme d’élégance et de responsabilité environnementale.

Dans les villes romandes que je connais si bien, de Lausanne à Sion en passant par Genève, les jardins secs se multiplient. Ils prouvent qu’on peut créer de la beauté sans gaspiller nos ressources. Qu’un jardin peut être à la fois esthétique, écologique et adapté aux contraintes contemporaines. Chaque projet que je réalise me conforte dans cette conviction : le xéropaysagisme représente bien plus qu’une tendance passagère. C’est l’avenir du paysagisme en Suisse romande, une réponse élégante et durable aux défis qui nous attendent. Un jardin qui respecte l’eau, c’est finalement un jardin qui nous ressemble : conscient, résilient et tourné vers l’avenir.

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